Communiqué de presse : Droits humains et entreprises: Quelle loi pour le Luxembourg ?

Le Luxembourg a été élu en octobre 2021 pour la première fois par l’Assemblée générale des Nations unies à New York à un siège de membre du Conseil des droits de l’homme. Cette élection est un honneur pour notre pays mais également une responsabilité à concrétiser pour le mandat 2022-2024.

Si la lutte contre le travail des enfants et la protection des défenseurs des droits humains constituent une priorité pour le gouvernement luxembourgeois, celui-ci pourra maintenant montrer l’exemple sans tarder en adoptant une législation nationale garantissant une protection contre les atteintes aux droits humains dans le cadre des activités économiques. L’objectif d’une telle loi est donc d’assurer que les entreprises domiciliées au Luxembourg respectent au niveau de leurs chaînes de valeur les droits humains, les intérêts des travailleurs et les normes environnementales fondamentales reconnues au niveau international.

Un débat animé s’est engagé depuis quelques années sur le défi d’introduire une telle loi au Luxembourg. L’Initiative pour un devoir de vigilance souhaite apporter sa contribution avec le présent document : Quelles sont les exigences centrales et points-clés d’une loi efficace sur un devoir de diligence afin de protéger durablement les droits humains et l’environnement contre des violations lors d’activités économiques des entreprises ?

LES PRINCIPALES EXIGENCES D’UNE LOI SUR LE DEVOIR DE DILIGENCE

Une loi efficace sur la diligence raisonnable en matière de droits humains doit répondre à certaines exigences fondamentales afin de prévenir les violations des droits humains et les dommages environnementaux le long des chaînes de valeur, et d’améliorer la sécurité juridique des personnes affectées, des consommateurs et des entreprises :

1. La loi doit couvrir TOUTES LES GRANDES ENTREPRISES DOMICILIÉES AU LUXEMBOURG afin de mettre en œuvre un plan de vigilance. En outre, elle doit s’appliquer aux petites et moyennes entreprises (PME) dont les activités commerciales présentent des risques particuliers en matière de droits humains : ceux qui sont actives dans les régions et secteurs d’activité économique à haut risque. Une intégration au niveau législatif des « sociétés de participations financières », les SOPARFIs doit également être assurée. L’Initiative pour un devoir de vigilance propose une approche multi-critères en ce qui concerne les Soparfis devant mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance : basé sur les critères de consolidation au niveau d’une société mère existants en droit comptable. Les PME qui ne sont pas actives dans les régions et secteurs d’activité économique à haut risque ne devraient pas avoir l’obligation de faire un plan de vigilance.

2. Les entreprises doivent assurer une DILIGENCE RAISONNABLE en matière de droits humains et environnement au niveau de leurs opérations et relations commerciales le long de la chaîne de valeur, conformément aux PRINCIPES DIRECTEURS DES NATIONS UNIES relatifs aux entreprises et aux droits humains et aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (Principes de l’OCDE). Comme annoncé par l’étude réalisée par Dr Basak Baglayan : « Pour être conforme aux Principes directeurs des Nations Unies, une loi luxembourgeoise sur le devoir de diligence doit couvrir “tous les droits de l’homme internationalement reconnus”, y compris les principes des huit conventions fondamentales de l’OIT tels qu’énoncés dans la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail. Une loi devrait tenir compte du fait que les dommages environnementaux s’accompagnent souvent de violations des droits humains. Un exemple typique est lorsque des produits chimiques provenant par exemple d’usines se retrouvent dans les rivières et nuisent ainsi aussi bien aux bases de la vie (pêche, eau potable) qu’à la santé des riverains. En mettant en œuvre les mesures de précaution prévues par une loi, les entreprises doivent s’efforcer de prévenir et de minimiser de tels risques. D’autres risques à prendre en considération découlent des conventions environnementales que le Luxembourg a ratifiées (p.ex. la Convention de Minamata sur le mercure).

3. Les entreprises doivent être légalement tenues de prendre des MESURES RESPONSABLES en fonction de leur taille, du contexte de leurs activités, de leur pouvoir d’influence, de la gravité des menaces de violations des droits humains et de dommages environnementaux, et du nombre de personnes potentiellement affectées. Les entreprises doivent DOCUMENTER les mesures prises pour respecter des obligations de diligence raisonnable et en RENDRE COMPTE régulièrement dans un plan de vigilance. La loi doit donc imposer l’établissement et la mise en œuvre d’un plan de vigilance avec des mesures concrètes (p.ex. des actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ; un mécanisme effectif de plainte et de réparation ; un dispositif de suivi des mesures).

4. La loi doit prévoir une responsabilité pour les DOMMAGES ENVERS LES PERSONNES AFFECTÉES par les violations des humains qui résultent du manquement des entreprises au devoir de diligence. La responsabilité civile quant à elle permettra donc de réparer les dommages causés (matériels et moraux) par les violations des droits humains. Le non-respect des obligations de diligence raisonnable (y compris les obligations de documentation et de rapport) doit être lié à des SANCTIONS telles que des amendes, l’exclusion des procédures de passation de marchés publics et de la promotion du commerce extérieur qui seront prononcées par une autorité de surveillance compétente.

Il sera nécessaire de désigner une autorité administrative compétente qui contrôle l’existence du Plan et l’exactitude de son contenu. L’Initiative pour un devoir de vigilance propose donc la création d’un organisme de contrôle, habilité à agir sur base de plaintes (signalements) de tiers. Il faut donner en effet un levier à disposition des personnes, communautés affectées, syndicats et organisations de la société civile dans ce contexte.

Par le biais du document « UNE LOI NATIONALE POUR UN DEVOIR DE DILIGENCE: QUEL CHAMP D’APPLICATION ? », l’Initiative pour un devoir de vigilance présente ses propositions et montre clairement qu’une loi sur le devoir de diligence au niveau « droits humains et entreprises » est réalisable.

En France, Allemagne, Norvège et Suisse des législations nationales ont été adoptées. Aux Pays-Bas, l’accord de coalition du nouveau gouvernement néerlandais comprend maintenant l’engagement d’introduire une législation sur la diligence raisonnable obligatoire aux Pays- Bas et de plaider en faveur d’une législation européenne à Bruxelles. Le Luxembourg est à la traîne au regard de cette tendance internationale. Il est temps que cela change avec un cadre légal.

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